LA PHOTO À ROUBAIX, AUTOUR DE MARIE-JEANNE : PREMIÈRES SÉRIES

Vécu 2

Premières séries de photos : Metaleurop, masques de la Guerre 14-18, Carnaval de Dunkerque, étiquettes des Sœurs Clarisses

Au Non-Lieu d'Olivier Muzellec, haut lieu de la vie culturelle de la cité textile depuis 2002, comme le fut le Groupe de Roubaix de 1946 à 1970

La couverture du livret de l'exposition aux Couvent des Clarisses en 2010, reproduisant une photo de Marie-Jeanne.

Le déclenchement en 2006 : la destruction de Metaleurop

Pour Marie-Jeanne le déclenchement de la photo vient de la destruction spectaculaire de l’usine Metaleurop, à deux pas de chez nous : Marie-Jeanne ressent la nécessité de conserver une trace de ce qui va disparaître. Elle souhaite capter la notion, selon son expression, d’impermanence. Suivront :

• des séries de natures mortes liées à l’histoire locale : masques de la guerre 14-18, couvent des Clarisses à Roubaix,

• puis des vanités,

• enfin les oiseaux.

Elle se consacre depuis 2006 à la photographie, doublement inspirée par les thèmes qui lui sont chers : le Nord où elle est née en 1956 (lieux industriels, piscines, premier conflit mondial) et ses racines agricoles. Et avant ? Une prépa à Louis Le Grand, l’Ecole de Commerce de Rouen, puis Marie-Jeanne mène une activité professionnelle de 30 années dans la grande distribution du Nord de la France. Elle est d’abord responsable des achats textile pour Auchan, puis chef de groupe femme à La Redoute : elle y conçoit le contenu des pages du catalogue. Avec, notamment, en femme junior, le lancement des pages image : marques et créateurs, pages boutiques. Elle sera enfin conseil en conception de collection pour une dizaine d’enseignes.

Le Non-Lieu à Roubaix, lancé et présidé par Olivier Muzellec : Marie-Jeanne participera à 12 expositions ou événements

Les premières expositions auxquelles Marie-Jeanne participe se déroulent au Non-Lieu de Roubaix, sous la houlette d’Olivier Muzellec. Olivier Muzellec sera le premier à accueillir Marie-Jeanne, puis de manière répétée, dans un lieu d’expositions et d’événements. Il s’agit de l’usine Cavrois-Mahieu de Roubaix, investie par l’association. Le site internet du Non-Lieu : "A 3 km de la fameuse Villa, l’usine Cavrois-Mahieu est le témoin de l’aventure industrielle de la famille Cavrois, mais aussi des milliers d’ouvrières, ouvriers et cadres qui y ont travaillé de 1887 à 2000".

Le Non-Lieu d'Olivier Muzellec : haut-lieu culturel de la métropole lilloise

Créée, puis présidée tout au long des années 2000 et 2010 par Olivier Muzellec, l’association Le Non-Lieu a pour objet de relier patrimoine et création contemporaine. La dénomination de l’association exprime le rôle et l’intérêt des non-lieux ; elle se donne un double objectif : "développer les liens entre aspects patrimoniaux et manifestations contemporaines de la culture, notamment par la création d’événements (concernant les domaines des arts plastiques, vivants, du design et de la mode) et par l’édition (livres, CD, objets artistiques, cartes postales, etc…) ; créer des opportunités d’expression pour les artistes."

Le Non-Lieu, successeur de la Galerie Dujardin, du Groupe de Roubaix

Le Non-Lieu est le 3e phénomène culturel, issu du terrain, propre à Roubaix, en 1 siècle : il succède à la Galerie Dujardin et au Groupe de Roubaix. Le Non-Lieu mène une politique intense de partenariats avec d’autres lieux ou organisations (européens ou locaux, institutionnels ou associatifs, œuvrant pour l'art, la culture, la promotion du patrimoine industriel) : la Ville de Roubaix (au Couvent des Clarisses, au cimetière de Roubaix), la Condition Publique de Roubaix (Carte blanche au Non-Lieu en 2014), la Villa Cavrois (aujourd'hui Monument National), l'Ecole d'Art de Douai, la Maison de la Culture de Tournai. Le Non-Lieu est lié, en Espagne à l'Asociación en Defensa de las Chimeneas y el Patrimonio Industrial de Málaga, au Portugal à Formas Efémeras ; il s'intègre au réseau européen de promotion du patrimoine industriel E-FAITH (European Federation of Associations of Industrial and Technical Heritage). Mené par Olivier Muzellec, le Non-Lieu aura offert à la métropole lilloise 20 années d’animation et d’événements culturels de très grande qualité.

Olivier Muzellec dans Côté Ouest de février-mars 2018, photographié par Christophe Dugied dans la bobinothèque du Non-Lieu.

"L'œuvre poétique d'une association unique"

Parmi l’abondante presse parue sur le Non-Lieu, retenons Côté Ouest de février-mars 2018, spécialement consacré à Lille Métropole : l’envol design. Dans son éditorial la rédactrice en chef Sonia Lazzari précise : "C’est par le prisme du design que l’on a cherché à améliorer le quotidien, (…) en transformant le patrimoine industriel, dont les plus beaux fleurons se réinventent aujourd’hui en lieux d’exposition d’art contemporain ou incubateurs de jeunes créateurs, à l’image du Non-Lieu, ancienne filature de laine." Le magazine ouvre sur un superbe dossier de 8 pages consacré au Non-Lieu, appuyé sur des photos de Christophe Dugied ; la journaliste Agnès Benoit, manifestement sidérée, avertit en exergue : "Au fil de l’art. À Roubaix, dans une ancienne usine textile, la préparation de la 'Nuits des Arts'… nous sommes éblouis par les lieux (qui ont gardé toutes les traces de leur passé, comme si les ouvrières venaient de partir) et la beauté des pièces choisies pour l’exposition. L’œuvre poétique d’une association unique, Le Non-Lieu.” Le site internet du Non-Lieu : http://non-lieu.fr. 3 photos extraites du site :

3 premières séries au Non-Lieu, de 2007 à 2010 : "usine Metaleurop", "Masques de la Guerre 14-18", "Carnaval de Dunkerque"

La première série de photos exposées s’intègre, du 19 au 21 octobre 2007, dans les Portes ouvertes des ateliers d’artistes (POAA). Marie-Jeanne, présentant l’exposition : "Je veux montrer le démantèlement de l’usine Metaleurop d’un point de vue esthétique. Les images des tuyauteries qui apparaissent au cours de la destruction sont très impressionnantes, et certaines pièces métalliques, enchevêtrées, étranges. Mon point de vue est celui de quelqu’un qui a toujours connu ce paysage occupé par cette énorme masse sur 50 hectares, et qui voit disparaître en quelques mois tout un pan de l’horizon. Ce n’est pas un témoignage, plutôt une émotion." Marie-Jeanne, sur son site internet : "Je commence un premier travail photo en 2005 avec un appareil argentique ; chaque semaine je me rends sur le site de l’usine, situé à 3 km de chez moi. En quelques mois, l’énorme site de 50 hectares disparaît. La destruction est très impressionnante (plusieurs explosions…) et à mi parcours sont apparus les énormes tuyaux de l’infrastructure. L’usine faisait partie intégrante, non seulement du paysage, mais aussi de mon histoire familiale : mon père et mon grand-père étaient agriculteurs et ont été concernés par la pollution des terres due au plomb."

L'usine Metaleurop, pendant la destruction : première photographie de Marie-Jeanne, exposée au Non-Lieu en octobre 2007 dans le cadre des Portes ouvertes des ateliers d’artistes (POAA).

Pour les Portes Ouvertes d’octobre 2008, sont présentées ses photographies de masques : 6 masques à gaz (masque M6, cagoule anti gaz à tampons, cagoule premier type, masque à gaz, masque à gaz avec tuyau), 2 masques de pilote (masque facial et casque cuir, masque feutrine), 4 masques de protection contre les balles et éclats (casque Dunand 1916, casque Elisabeth, loup de tankiste, masque éléphant), 2 grenades et matraques. Tous les objets photographiés proviennent du Musée militaire de la Targette à Neuville Saint Vaast, près de Vimy, et ont été confiés par David Bardiaux, conservateur ; certains sont des pièces très rares. Marie-Jeanne, sur son site internet : "Ces photos sont réalisées avec Alain Lauras, photographe et sculpteur, lors d’un événement organisé par l’association Le Non-Lieu, à Roubaix, sur le thème de la Guerre 14-18. (…) Certains masques évoquent immédiatement 14-18 (masques à gaz), d’autres semblent venir du Moyen Âge ou ressemblent à des prototypes de science-fiction. Je découvre à cette occasion que nous avons tous un ancêtre qui a participé à cette guerre, ce qui rend ce passé très proche."

Masques de la guerre 14-18 : série exposée au Non-Lieu en octobre 2008 dans le cadre des Portes ouvertes des ateliers d’artistes (POAA).

Enfin, le 15 mai 2010, dans le cadre de la Nuit des arts - Nuit des Musées, une initiative de la ville de Roubaix qui vise à fédérer les lieux d’exposition et les bars/restaurants, en créant des circuits permettant de les visiter, Marie-Jeanne exposera le Carnaval de Dunkerque : "Dans le noir, la vapeur blanche qui monte de la foule des carnavaleux devient brouillard. Les fluos deviennent plus fluo encore, les plumes de faisan de mon voisin, juché comme moi sur un platane place Turenne à Malo, deviennent ethniques…"

Série Carnaval, exposée au Non-Lieu en mai 2010, dans le cadre de la Nuit des arts - Nuit des Musées.

Première publication en 2010-2011, à l'occasion des "Journées du Patrimoine" : le catalogue de l'exposition du Non-Lieu au Couvent des Clarisses de Roubaix, en partenariat avec la Ville de Roubaix

Du 17 au 26 septembre 2010, les "ournées du patrimoine sont l’occasion, pour le Non-Lieu, d’investir le Couvent des Clarisses de Roubaix. L’exposition s’intitule Raccommodages, ravaudages et autres travaux d’aiguilles.

La couverture du livret de l'exposition, reproduisant une photo de Marie-Jeanne.

C’est en même temps la 13ème édition du VRAC (Voyage Roubaisien dans l’Art Contemporain). Le VRAC est une manifestation annuelle, née en 1999. Son objet est de viser la meilleure adéquation possible entre un site patrimonial, exploité de manière éphémère, et des travaux artistiques, présentés afin d’obtenir une valorisation réciproque. L’exposition est soutenue par la Région Nord-Pas-de-Calais, le Conseil Général du Nord, la Ville de Roubaix, Villes et Pays d’Art et Histoire. Le Couvent des Clarisses est construit à Roubaix en 1876 par Jean-Baptiste Béthune d’Ydewalle, architecte de l’église Saint Joseph de Roubaix et figure majeure du courant néogothique en Belgique. Les dernières religieuses quittent le couvent en 2008. Les sœurs des Clarisses de Roubaix, soucieuses d’économies et inlassables "rapiéceuses" de tissus, inspirent cet événement.

Série Etiquettes des Sœurs Clarisses, exposée par le Non-Lieu au Couvent des Clarisses, en septembre 2010, dans le cadre des Journées du patrimoine, en même temps 13ème édition du VRAC (Voyage Roubaisien dans l’Art Contemporain).

Marie-Jeanne est sensible à leurs étiquettes sur papier, restées sur place, trésors glanés au détour des couloirs et armoires, traces émouvantes d’une communauté disparue et qui racontent minutieusement la vie des Clarisses : "Au grenier, restaient quelques cartons et boîtes, pour la plupart vides ou au contenu sans valeur : cartes de visite, cordes, bouts de ficelle, pièces de tissu. Sur ces boîtes et sur le sol je découvre de nombreuses étiquettes, des petits mots, allant de 'chemise de matinée pour une défunte' à 'coupe de tissu léger pour jupon d'été'. Ces femmes, ayant fait vœu de pauvreté et d'obéissance, conservaient tout avec ordre."

Invitation au lancement du livret, à l'occasion des Portes Ouvertes des Ateliers d'Artistes 2011.

1 an plus tard, à l'occasion des Portes Ouvertes des Ateliers d'Artistes 2011, Olvier Muzellec fait paraître par le Non-Lieu le livret-bilan Couvent des Clarisses § Marianne Peyre – Catalogue et travaux d’aiguille, avec en couverture une photo prise par Marie-Jeanne. Pour Marie-Jeanne, après ces premières expositions, suivent d’autres travaux, de 2012 à 2018, présentés au Non-Lieu, soit pour les Portes Ouvertes des Ateliers d’Artistes (POAA) en octobre, soit pour Small is beautiful en décembre. 7 autres thèmes ou séries seront concernés, revenant parfois sur plusieurs éditions : couronnes au Cimetière de Roubaix (exposées également en 2012 à la Maison de la culture de Tournai), piscines, bouquets, mésanges, potirons, faisans, banquets d’oiseaux. Olivier Muzellec ne cessera, tout au long de ces 11 années, de conseiller et d’encourager Marie-Jeanne sur son travail. C'est grâce à son expérience au Non-Lieu et à Roubaix, grâce au soutien d'Olivier Muzellec, que Marie-Jeanne franchit un pas en 2012 : destination Arles.

Marie-Jeanne et Olivier Muzellec le 31 décembre 2020.