"RADIO CORSAIRE"... 1982 : DÉFLAGRATION SUR DUNKERQUE
- Dominique Neirynck
- 31 déc. 2024
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 nov.
Vécu 1
2 mars 1982 : Radio Corsaire émet sur Dunkerque. Je lance cette "radio libre", avec le soutien du Maire Claude Prouvoyeur, dans l’objectif de placer Dunkerque dans les villes leaders en radio, par un effet d’essaimage. Bilan... Essaimage de l'équipe vers les radios de : groupe Canal+, RFM, groupe RTL.
Aux complices passionné(e)s de l’aventure Radio Corsaire à Dunkerque, de 1982 à 1985
Servir Dunkerque en permettant aux Dunkerquois de monter dans le train des radios libres, au meilleur niveau
C’est ma 1re activité professionnelle : la communication par la radio. Au total pendant 8 ans, de 1978 à 1985. Après une licence en droit à Lille, je débute à 24 ans comme présentateur radio à France 3 Lille puis Ici Nord (à l’époque Fréquence Nord, première station décentralisée de Radio France, qui s'appellera un temps France Bleu Nord). L’origine de Radio Corsaire : fin 1981 je rencontre le Maire, Claude Prouvoyeur, et lui propose le projet. Il accepte, enthousiaste, puis le finance pendant 4 ans. Sans une seule intervention de sa part, en 4 années, ni directe ni indirecte, sur le contenu de l’antenne ; il ne viendra dans les locaux qu'une fois, invité dans un journal. Grande classe. Je lance cette radio dans un seul objectif : servir Dunkerque en permettant aux Dunkerquois de monter dans le train des radios libres, au meilleur niveau.
Déflagration : 80000 auditeurs sur 300000 habitants
C’est une déflagration : nous ouvrons les portes lors d’un des premiers week-ends et nous recevons… 2000 personnes. Qui nous apportent… 10000 disques. Les quotidiens nationaux comme Le Figaro du 25 mai 1983, sous la signature de Jean Calmé, ou La Croix du 10 avril 1983, sous la signature de Florence Quille, diffusent le résultat de notre 1er sondage Sofres : "Radio Corsaire touche quotidiennement 80000 auditeurs", sur une population urbaine de 300000 habitants. Nous sommes dans les 20 stations pros de France. Sur 1000. Grâce aux complices passionné(e)s de l’aventure Radio Corsaire à Dunkerque, de début 1982 à fin 1985, auxquels(elles) je dédie cet article.
Professionnalisation de l’antenne en 2 années
Petit à petit, au cours des 2 premières années, nous professionnalisons l’antenne, notamment en commençant à rémunérer les principaux animateurs de la grille de semaine. Le week-end reste réservé à des animateurs bénévoles : ils disposent d’un espace de totale liberté, pendant environ 3 mois. Ils laissent ensuite la place à d’autres qui proposent aussi un projet ; l’objectif est de permettre au plus grand nombre possible de s’exprimer et de maîtriser un studio en direct.
De la radio libre aux réseaux nationaux
1983 marquera un tournant pour les radios libres axées sur le couple musique / info locale : la prise de conscience de la généralisation — dans un proche avenir, inéluctable, vitale, pour des raisons d’équilibre économique — des réseaux nationaux, spécialisés par couleur musicale et public :
s’intégrer à un réseau national permet de bénéficier de services de qualité de la part du fil national, à un coût faible parce qu’il est réparti entre des dizaines de stations ;
seul un réseau national est en capacité de commercialiser les espaces publicitaires pour des produits à distribution nationale.
Fin 1984 pour Radio Corsaire je cible Radio Fréquence Montparnasse, relancée par Robert Namias avec Europe 1, sous un nom qui devient célèbre — c'est l'une des 3 grandes têtes de réseaux radiophoniques en France — : 95.2. Au cours du 3e rendez-vous à Paris avec 95.2, j'obtiens l’accord de principe de Robert Namias, opérateur du projet, 1 an avant qu’il parte poursuivre sa carrière à TF1, bientôt privatisée, dont il sera pendant 16 années directeur de l'information.
La fin de Radio Corsaire marque l'essaimage de l'équipe
Mais, malheureusement, je ne parviens pas à convaincre les administrateurs de Corsaire (des représentants du monde associatif, de la CCI, des associations de commerçants, de la Mairie de Dunkerque). Considérant que Corsaire est condamnée à court terme, je les informe, le 31 décembre 1985, de ma décision de quitter la radio. Je signe ainsi la fin de Radio Corsaire. Je suis alors persuadé que l’équipe s’en sortira, forte de la formation reçue à Radio Corsaire… Espérance ô combien exaucée quand on connaît la suite : Vitamine, Tube FM, Neptune (cf. ci-après). Précision importante : le Maire Claude Prouvoyeur, lui, avait parfaitement compris l'intérêt incontournable des réseaux en radio puisqu'après mon départ il investira à titre personnel dans le projet de Luc Hennebert, qui intègrera le réseau Kiss FM, du Groupe Canal+.
Mémoire de la radio
Jean-Marc Raschia tient un (excellent) blog, Petite(s) histoire(s) de la radio à Dunkerque, sur Facebook.
L’équipe
Le week-end à l'antenne restera sur le principe réservé à des animateurs débutants, nombreux à souhaiter se lancer (cf. ci-dessus). La grille de semaine est, elle, structurée. Voici les principaux acteurs de la grille de semaine de Radio Corsaire (les animateurs les plus engagés dans l'aventure sont soulignés) :
Philippe Blanchet : journaliste. Pour des raisons d’indépendance et de professionnalisme, en information Radio Corsaire s’appuiera sur des journalistes pro. Notamment Philippe Blanchet et Yves Lagorce. Corsaire est immédiatement reconnue pour cette qualité et devient correspondante de l’AFP pour le Dunkerquois. Philippe et Yves produiront des centaines de dépêches pour l’Agence France Presse.
Jean-Louis Burnod : le sport, avec Jean-Baptiste Duthoit.
Catherine et Romano : les après-midis en magazine/invités.
Jean-Luc Debièvre : participation aux journaux.
Jacqueline Delporte : les après-midis en magazine/invités.
Philippe Delporte : responsable des programmes en 1982 et 1983. Ancien rocker (Les Castors), Philippe a le sens du "public", pré-requis incontournable pour réussir le lancement d’une radio locale privée populaire.
Xavier Demerre : technicien.
Laurent Destoop (Mike à l'antenne) : la new wave.
Gonzague Diers : participation aux journaux.
Stéphane Doutrelon : technicien.
Eric Durand : participation au journaux.
Jean-Baptiste Duthoit : le sport, avec Jean-Louis Burnod.
Ramdane Fraouti : les après-midis en magazine/invités. Ramdane lancera Ramdam, agence de production artistique.
Jean-Louis Gadea : le rock, avec Alain Rocher.
Laurent Gallet : aide à la technique.
Luc Hennebert : responsable des programmes en 1984 et 1985. Petite histoire : Luc et Jean-Marc Raschia représentent Radio Corsaire en novembre 1985 à Los Angeles… rencontre, dans les studios de Tamla Motown, avec Stevie Wonder, Herbie Hancock ; fin de concert avec Supertramp ; déjeuner avec Kim Carnes ; déjeuner avec Président Rosko. Réseaux nationaux de radio : dès mon départ de Radio Corsaire début 1986, Luc Hennebert crée Tube FM à Dunkerque. Tube FM est gérée par la société et régie publicitaire BDHP (pour : François Bréban, gérant de cinémas dunkerquois ; Stéphane Doutrelon, technicien de Radio Corsaire ; Luc Hennebert ; Claude Prouvoyeur). Tube FM est appuyée sur RVN (Radio Voix du Nord) pour l’info régionale. Luc est rejoint par des anciens de Radio Corsaire, dont Jean-Marc Raschia et Alain Rocher. Fin 1987 Tube FM entre dans le réseau national Kiss FM, créé par Canal+. Sur le fil national, débutent alors des p’tits jeunes : Laurent Boyer, Arthur, Antoine de Caunes. Lorsque Kiss FM devient RFM, en 1990 et 1991, apparaissent Eddy Mitchell et Richard Bohringer. Luc est ensuite, pendant 30 ans, le responsable de l’agence de communication dunkerquoise Marinecom : http://www.marinecom.fr.
Kamel Kerboua : animation musicale en fin de soirée ; et toujours disponible pour tous les coups de main que demande une radio hors antenne.
Jean-Pierre Lafitte : animation le midi en duo avec Jean-Marc Raschia. Les animateurs passent des disques 78 tours, de chanson française, apportés par les auditeurs.
Yves Lagorce : journaliste (cf. ci-dessus : "Philippe Blanchet"). Par l'intermédiaire de l'AFP Yves couvre notamment, pour le reste de la France, un conflit social majeur, qui mènera à la disparition de la construction navale à Dunkerque.
Bernard Lavallée : participation aux journaux. C’est Bernard qui, reçu un samedi matin de début 1982 (comme responsable des relations extérieures du Port de Dunkerque) à l’antenne de Fréquence Nord (aujourd’hui Ici Nord), où je suis animateur, me conseille de proposer un projet de radio libre pour Dunkerque.
Jean-Claude Loire : le cyclisme.
Alain Mormentyn : hit des clubs le samedi soir puis animation musicale l’après-midi. Après Radio Corsaire, Alain prend la direction de Top Médias, la régie publicitaire de Jérôme Ryckewaert, au niveau régional, pour Vitamine / Métropolys / M40, de 1991 à 1998. Alain Mormentyn se tournera ensuite vers la création, l’aménagement et la direction de centres commerciaux chez Altarea-Cogedim pour le grand nord-est de la France.
Jean-Marc Raschia : la matinale en animation, puis la matinée en animation musicale. Réseaux nationaux de radio : après Radio Corsaire, Jean-Marc vit la période Tube FM / Kiss FM / RFM avec Luc Hennebert. Puis il prend la direction de Neptune FM (qui entre dans le réseau Europe 2, qui en 2008 s'appelle Virgin Radio), de 1994 à 2012. Jean-Marc détient donc, et de loin, le record de fidélité au monde de la radio, parmi l’équipe ex-Radio Corsaire.
Frédéric Riesterer, "Freddy" à l’antenne de Radio Corsaire ("Fred Rister" bien plus tard, notamment avec David Guetta) : le hit-parade, avec Patrice Swyngedauw. Interview dans La Voix du Nord du 15 octobre 2009 : "Oui, à l'époque j'étais coiffeur, un peu par dépit, après sept années de Beaux-Arts. Mais un vrai métier passionnant. J'ai répondu à une petite annonce (de Radio Corsaire) et j'y suis entré, comme bénévole. J'animais le 17 h-19 h, avec un hit-parade. J'allais acheter des nouveautés et les auditeurs faisaient leur sélection. J'y ai rencontré des gens extraordinaires (…) ! Que des passionnés, il y avait de la magie dans cette radio." Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Fred_Rister : on retrouvera Fred sur plusieurs radios, notamment à Paris sur Maxximum, la station dance de RTL, de 1989 à 1992. Fred sera plus tard le créateur des principaux tubes et le proche collaborateur de David Guetta.
Alain Rocher : le rock, avec Jean-Louis Gadea. Alain rejoindra Luc Hennebert dans l’aventure Tube FM.
Jérôme Ryckewaert : participation aux journaux de Radio Corsaire de 1982 à 1984. Réseaux nationaux de radio : Jérôme perçoit dès 1984 l’impératif de spécialiser les radios (par couleur musicale et public). Il crée Vitamine FM en 1985, ciblant les jeunes. L’auditorat dunkerquois se spécialise de fait : pour faire simple, les jeunes sur Vitamine, les adultes sur Radio Corsaire. Etape suivante en 1988 : l’intégration de Vitamine dans le réseau régional Métropolys, qui entre en 1992 dans le groupe RTL sous l’enseigne du réseau M40. Jérôme possède pendant toute cette époque la régie publicitaire Top Médias, que dirige Alain Mormentyn, ancien de Corsaire. En 1994 Jérôme Ryckewaert quitte le monde de la radio pour se consacrer à son agence de communication, Maniacom, d’abord à Dunkerque puis en 2000 à Paris. De 2013 à 2024 il se concentre sur le volet internet de cette activité, en développant sa marque de chemises, pulls en cachemire et accessoires : DIEGØGARCIA.
Patrice Swingedauw : le hit-parade, avec Fred Rister. Patrice possède une discothèque en Suisse depuis 2002.
Teddy Teboh : les imports USA… pays où Teddy était parti vivre. Teddy y est mort, en juillet 2024. Il est inhumé au Glen Haven Memorial Park de Sylmar, en Californie. C’est juste au Nord de Los Angeles, à 50 miles. Mais en Californie, 50 miles c’est la porte à côté. On est dans la vallée de San Fernando, sur la route 405, qui relie L.A. et San Francisco. Bref Teddy repose entre Los Angeles et San Francisco. Une place méritée pour celui qui est au début des années 1980 le roi de la musique import des States sur Radio Corsaire.
Sans oublier Pierre Huysman qui assure en permanence le back-office. A l’époque de Radio Corsaire Pierre est le directeur de la culture en Mairie de Dunkerque. Si l’équipe de Radio Corsaire peut se consacrer entièrement et exclusivement à ce qui est alors notre passion — "faire de la radio" —, c’est bien parce que Pierre officie pendant 4 années, discrètement mais efficacement… Pour Radio Corsaire il prendra en charge tout le formalisme, ce qui est considérable : administration, documents, budgets, comptabilité, mise au normes, travaux. Je n’ai pas le souvenir d’une seule demande venant de l’équipe, qu’il n’aurait pas acceptée et immédiatement mise en forme et réalisée. Pierre Huysman poursuivra ensuite, jusqu'à sa retraite, sa carrière de cadre dirigeant municipal, notamment dans le domaine culturel, puis dans la gestion et l’animation du Quartier de Malo-les-Bains, sous Claude Prouvoyeur et sous Michel Delebarre.
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